Beyond the Wall


"Donjons & Dragons vous plonge dans un mondes d'aventures. Explorez des ruines anciennes et des donjons meurtriers. [Partez à la recherche] de trésors légendaires. Gagnez de l’expérience [...] en explorant des territoires inconnus avec vos compagnons."
Texte de présentation de la cinquième édition de Donjons & Dragons

 En jeu de rôle les aventuriers sont la plupart du temps des voyageurs. Qu'ils partent passer quelques nuits dans les hôtels de Laelith, qu'ils aillent se faire bouffer par des shoggoths au sommet des montagnes hallucinées ou qu'il cherchent à se téléporter dans les plans Extérieurs, les personnages joueurs vont généralement chercher l'aventure loin de chez eux. Soit dit en passant cela doit bien complexifier l'organisation des fêtes de fin d'année quand il s'agit de réunir toute la famille pour le soir du 24 décembre.

Tout en utilisant un système de jeu compatible avec la première édition de Donjons & Dragons, Beyond the Wall, en tout cas dans son livre de base, fait le choix de recentrer l'aventure autour d'un petit village dont font partie les PJs. Le jeu propose donc des mécaniques de résolution et de combat d'un extrême classicisme[1] mais il offre des outils permettant aux joueurs de créer collectivement un cadre de jeu et au meneur de proposer une partie sans préparation préalable. Au début de la partie les joueurs, et le meneur de jeu, vont être amenés à remplir la carte du village, qui ne contient initialement que l'auberge, et à créer une liste de PNJs marquants.


Le dessin de la carte du village est en fait une phase de création croisée : les joueurs créent leurs personnages et les intègrent au village pendant que le meneur de jeu prépare son scénario. Les premiers vont devoir choisir un livret correspondant à un archétype de personnage -apprenti mage, aspirante chevaleresse, jeune bucheron- et composé de tables aléatoires déterminant les événements marquants de son enfance et de son adolescence[2]. Le meneur de jeu aura lui accès à un pack scénaristique basé sur un danger menaçant le village -"une tribu de fées en colère", "un culte maléfique". Ces packs sont eux-aussi composés de tables aléatoires permettant de préciser la nature de la menace et de la lier au village : lors de ma première partie du jeu j'ai ainsi déterminé aléatoirement que la fille de la reine des fées entretenait une relation secrète avec le forgeron du village...lui même mentor d'un des PJs.

Même si tout le monde est contraint par les éléments tirés aléatoirement[3] cette phase est l'occasion pour tout le monde de faire preuve de créativité. Il appartient aux joueurs d'étoffer les descriptions succinctes des événements issus des tables aléatoires et d'ajouter de nombreux petits détails qui, cumulés, donnent une grande consistance aux personnages. Le MJ doit être très actif en posant des questions aux joueurs sur leurs personnages et sur le village et en cherchant, avant même le début du scénario, à entremêler l'intrigue de son pack scénaristique aux relations des PJs. Enfin tous les participants sont régulièrement amenés à ajouter des PNJs importants et à dessiner des lieux sur la carte...un geste qui amène les joueurs à s'approprier physiquement le cadre de jeu.
On termine la préparation de la partie en tirant pour chaque PJ un événement survenu quelques jours avant le début du scénario et lié à la menace. L'occasion pour tous les joueurs de réagir rapidement et de tester le système en effectuant un unique jet de dés aux conséquences parfois dramatiques : deux de mes parties ont débuté par l'enterrement d'un PNJ mort suite à l'échec d'un PJ.

Cette phase de préparation collective dure environ 1h30 (comptez le double si vous n'avez pas imprimé le matériel de jeu et une demi-heure de moins si tous les joueurs connaissent le jeu) et elle permet de commencer avec une carte du village, des éléments menaçant nécessitant une réaction immédiate des joueurs et des PJs intégrés à un réseau relationnel riche. Ce dernier point vient considérablement modifier la dynamique des parties, le village n'est pas juste un point de passage et les PNJs qui le peuplent sont les parents, les fiancés ou les mentors des PJs. En transformant Donjons & Dragons en un jeu sédentaire, Beyond the Wall lui donne une charge émotionnelle étonnante. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre le mal : il faut aussi maintenir la communauté soudée, participer aux rites du village[4] et discuter, s'allier ou se battre avec des proches. Ces thématiques ne sont finalement pas si fréquemment traitées dans le JdR...on pense quand même à aux excellents Dogs in the Vinyard et Saga of the Icelanders, deux jeux qu'on ne pensait pas comparer un jour à une adaptation de Donjons et Dragons !

Le supplément Further Afield offre des outils pour s'éloigner du village et explorer la région qui l'entoure. Il propose une idée que je trouve d'une grande élégance pour permettre aux joueurs d'ajouter des éléments à l'univers sans pour autant faire disparaitre la surprise de la découverte : les joueurs sont notamment amenés à créer des rumeurs sur le monde qui peuvent ne s'avérer que partiellement vraies. Contrairement au livre de base qui est très adapté pour jouer des parties en one-shot (comptez 4 ou 5 heures de jeu pour arriver à une conclusion satisfaisante) ce supplément est pensé pour être joué en campagne et je n'ai pas encore eu l'occasion de le tester.

Le plus gros défaut de Beyond the Wall est actuellement son absence de traduction en français qui s'avère particulièrement problématique pour un jeu qui nécessite l'usage de livrets : tous les joueurs doivent pouvoir lire l'anglais pour le pratiquer. Une rumeur en provenance du forum Casus NO laisse cependant entendre qu'il pourrait être traduit dans la langue de Racine au cours de l'année 2017...

[1]Plus précisément le jeu s'insère dans le mouvement OSR (Old School Renaissance), très actif outre-Atlantique (même si des auteurs français comme Le Grümph, Nicolas 'Snorri' Dessaux, Islayre d'Argolh et Eric Nieudan y participent), qui réunit des jeux qui utilisent les mêmes mécaniques que D&D première édition. Il y aurait beaucoup de choses à écrire sur le sujet mais on se contentera de dire que cette démarche permet aux auteurs de s'appuyer sur des mécaniques de jeu simples mais efficaces tout en concentrant leur créativité sur d'autres aspects : originalité des univers de jeu, outils facilitant l'improvisation ou la création collective de l'univers du jeu...
On peut conseiller aux lecteurs intéressés de lire l'article consacré au genre dans Mener des parties de jeu de rôle ou de faire un tour sur cette longue discussion issue du forum Casus NO.

[2]Même si le récent supplément Heroes Young and Old permet de sortir de ce type de récits, Beyond the Wall est initialement pensé dans l'optique de permettre aux joueurs d'incarner de jeunes héros qui sortent à peine de l'adolescence.

[3]Je conseille cependant vivement au meneur de jeu de ne pas hésiter à ignorer certains résultats qui ne l'inspireraient pas lors de la création de son scénario. Ne le dites pas à mes joueurs mais je pense avoir "triché" sur environ la moitié des résultats obtenus pendant cette phase...

[4] Autre conseil personnel : lors de la phase de création du village, n'hésitez pas à discuter avec vos joueurs des religions pratiquées dans le village et du rapport des habitants à la magie. Cela produit des interactions souvent très intenses et d'une grande richesse.

Commentaires

  1. Anonyme3/1/17

    Merci pour la découverte.

    Si vous avez de plus amples informations sur la traduction (qui, quand, etc.) ou juste un lien vers le message de Casus NO qui l'évoque je suis preneur.

    Merci encore et bonne continuation.

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    1. De mémoire, c'était kobbold qui disait qu'il voulait éventuellement traduire le jeu.

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    2. Anonyme4/1/17

      Merci.

      Je vais le contacter pour voir si le projet est toujours d'actualité.

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